« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

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samedi 21 juillet 2007

Les Emprunteurs...

Le livre est un objet particulier pour celui qui le collectionne, parce qu'il peu à la fois le "posséder", et chacun d'entre nous comprendra ce que je veux dire par là, mais aussi parce qu'il peut l'utiliser, le lire, et que d'autres peuvent avoir envie de l'utiliser.

Je ne suis pas certain d'être bien clair, aussi vais je utiliser un exemple : j'ai une amie qui collectionne les grenouilles sous toutes leurs formes, un autre qui collectionne les boîtes à musique ancienne, et bien dans les deux cas, il ne me viendrait pas à l'idée de leur demander de me prêter une grenouille en faïence ou une boite à musique, pour que je puisse l'emmener chez moi et les utiliser...

Pour les livres, un jour ou l'autre, on croise cette catégorie de personnes honnie des bibliophiles : les emprunteurs. Le jour où cela survient, comment réagir si l'on n'est pas Sir Heber, bibliophile anglais, qui recommandait "qu'un bon bibliophile doit avoir trois exemplaires de chaque ouvrage intéressant, et s'employer à les trouver: le plus beau pour le montrer, le second pour s'en servir, le troisième pour être mis à la disposition des amis.». Oui, comment faire?


Solution n°1 : ignorer l'importun, au risque de perdre un ami? Mais un véritable ami oserait il vous priver ainsi d'une partie de vous?

Solution n°2 : feindre d'être atteint d'une crise de surdité aussi inattendue que définitive (une guérison miracle surviendra plus tard).

Solution n°3 : comme le bibliophile Daniel Brunet, joindre à tout livre prêté une carte, sur laquelle était écrit le texte suivant :

Les dix commandements de Daniel

Ce volume ne prêteras,
Je l'interdis absolument.

D'un papier tu le couvriras
Pour le conserver proprement.

Aucun coin tu ne corneras,
Je le défends expressément.

Aucune tache n'y mettras,
Ni doigt sale pareillement.

Le dos jamais ne briseras,
Car tu liras posément.

Jamais tu ne t'endormiras
Le laissant choir brutalement.

Au crayon, des traits n'y mettras
Ni note aucune, évidemment.

Aucun feuillet n'arracheras
Pour t'en servir incongrûment.

Entre mes mains le remettras
Comme tu l'as pris mêmement.

A Daniel obéiras
En cela scrupuleusement.

Solution n°4 : prévenir, plutôt que souffrir , et comme du Moustier écrire au bas de sa bibliothèque "Que le Diable emporte les emprunteurs de livres".

Solution n°5 : la plus extrême, j'ai connu quelqu'un qui collectionnait les disques, et il lui en manquait souvent, soit qu'il les ait prêtés, soit qu'on les lui ait empruntés sans autorisation. Il finît par écrire sur la pochette "volé à T. Dupont". Croyez le ou non, ce fût plutôt efficace!
Comme chacun le sait, les livres se rendent encore moins que l'argent. Qu'il est doux, parfois donc que la bibliophilie soit une passion où l'on rencontre peu de "confrères", ça limite considérablement les risque, non?

H

P.S. : merci à Philippe pour le petit texte de Brunet.

Images : graveur, enlumineur et relieur au 16ème.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Voici le PS de la Lettre-ouvrage de Jules Janin, L'amour des livres (1866) adressée à son ami Georges Moreau-Chaslon :

"P. S.- Encore un mot, mais la question est une question considérable.

On demande, en effet, s'il est juste et prudent de prêter ses livres ? - Vous enfouissez la vérité ! vous cachez le flambeau sous le boisseau, vous êtes un égoïste, un avare, disent les emprunteurs.

En même temps, ils vous citent la belle inscription de Grolier : Pour moi, et mes amis ! Mieux encore, la devise de ce brave homme exilé volontaire, appelé Schelcher : Pour tous et pour moi !

C'est très-bien dit, c'est très-bien fait ; mais nous avons connu M. de Bure. C'était son usage de choisir lui-même, sur le rayon, l'exemplaire qu'il vous permettait de tenir un instant.

Scaliger avait écrit au fronton de sa bibliothèque : Ite ad vendentes ! Charles Nodier avait composé, à l'usage de son ami Pixérécourt, ce petit distique :

Tel est le triste sort de tout livre prêté ;
Souvent il est perdu, toujours il est gâté.

Condorcet, mort si misérablement et si glorieusement pour n'avoir pas voulu jeter aux buissons le petit Horace in-32 de l'Imprimerie royale, qu'il tenait dans sa main, lorsqu'il fut arrêté dans une misérable auberge de Sceaux, par des patriotes de grand chemin, avait composé, en l'honneur de ses livres bien-aimés, les jolis vers que voici :

Chères délices de mon âme,
Gardez-vous bien de me quitter
Quoiqu'on vienne vous emprunter.
Chacun de vous m'est une femme
Qui peut se laisser voir sans blâme
Et ne se doit jamais prêter.

Certes, ces diverses opinions méritent qu'on s'en inquiète... Or voici notre avis :

Accepter la devise de Grolier et de Schlecher,

Se conduire à la façon de Scaliger, de Condorcet et de Pixérécourt.

Le roi Charles le Sage, était l'un des conservateurs fervents, quand il enfermait dans la tour du Louvre les premiers livres dont se puisse vanter la Majesté de nos rois.

Sur les murailles de sa tour de la Librairie (un refuge !), Montaigne avait écrit : Que sais-je ?... Il savait les respects dus à ses intimes conseillers.

Tels étaient, sur cette mer, féconde en naufrages, les sages avis du pilote Phrontis, fils d'Onétor."

Ceci complétant cela,

bonne nuit à tous,

Amicalement, Bertrand

Anonyme a dit…

Bernard

J'ai l'impression que les "spammeurs", ou plutôt leurs machines, ont déja trouvé votre blog.
Cf commentaire de l'hypothétique knicksgrl0917 ...
Prêter un livre ancien, quelle horreur!

Amicalement

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