« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

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lundi 29 décembre 2008

Paris - Province, où sont les meilleurs prix?

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Je rentre à peine d'une petite sortie dont le but était de me mettre quelques pages anciennes sous la dent et comme à chaque fois lorsque je suis dans ma province natale, la Lorraine, je rentre bredouille: trop marquée par les guerres et l'annexion allemande, la région ne propose que peu de livres anciens, il n'y a d'ailleurs qu'un libraire d'ancien. Le pire, c'est que lorsque je finis par dénicher un livre intéressant, ce qui est rarissime, il est systématiquement proposé à un prix dissuasif.

En ce qui me concerne, c'est certain, il y a plus de livres qui passent à ma portée dans la capitale. Reste la question des prix, ou le match Paris - Province comme titre ce mois-ci le magazine Antiquités Brocante. Des lecteurs m'ont déjà posé la question par email, sans que je puisse apporter de réponse. Il ne me semble pas d'ailleurs qu'il y en ait: j'ai assisté à des ventes aux enchères en province où "tout était pour rien", comme le dit un ami libraire, notamment une, non cataloguées, où j'ai dû appeler un taxi pour m'aider à transporter mes achats imprévus, et à d'autres ventes en province, où tous les notables bibliophiles et les libraires de la région s'étaient rassemblés et bataillèrent comme s'ils n'avaient plus vu de livres depuis des lustres (ce qui était peut-être le cas, peu de belles bibliothèques passant dans des petites villes de province).

A l'inverse, la masse des livres proposés à Drouot, même s'il y a beaucoup de libraires et d'amateurs qui sont autant d'acheteurs potentiels, fait que les livres peuvent encore être dénichés à des prix intéressants.

Chez les libraires, j'ai l'impression que les prix sont plus lissés, que ce soit à Paris ou en province, pour la simple raison que la plupart d'entre-eux disposent d'internet pour comparer leurs prix avec ceux de leurs concurrents. Néanmoins, comme toujours chez le libraire, la possibilité de négocier un bon prix est souvent liée à la relation que l'on entretient avec lui: c'est plus simple si vous passez le voir trois fois par semaine que si vous n'êtes qu'un voyageur de passage. Ce qui est en passant un argument supplémentaires pour faire des visites régulières à vos amis libraires.

Difficile donc d'établir des règles, tout dépend du moment, de la taille de votre porte-monnaie et de vos habitudes: si vous achetez tous vos livres au salon du Grand Palais, il est probable que vous allez trouver les prix intéressants en province, que ce soit dans une salle des ventes ou chez un libraire.

Si je le devais, je ne garderais que deux principes en tête: plus le livre est de qualité, plus le prix a des chances d'être lissé et les ventes non cataloguées peuvent être intéressantes, ou pas... Encore faut-il d'ailleurs, pouvoir comparer deux livres entre-eux. Ce qui est loin d'être évident. L'un de vous m'a proposé une petite étude sur les prix sur ebay, je vous la proposerai prochainement, c'est assez édifiant et décourage immédiatement toute théorisation sur le prix des livres.

H

samedi 27 décembre 2008

Un Livre à l'honneur: Le Manuel des inquisiteurs ou Directorium Inquisitorum

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Je vous présente aujourd’hui une acquisition récente, Le Manuel des Inquisiteurs à l'usage des Inquisitions d'Espagne et de Portugal ou Abrégé de l'Ouvrage intitulé: Directorium Inquisitorum, composé vers 1358 par Nicolas Eymeric, Grand Inquisiteur dans le Royaume d'Aragon. On y a joint une courte Histoire de dans le Royaume de Portugal tirée du latin de l'établissement de l'Inquisition dans le Royaume de Portugal tirée du latin de Louis à Paramo. Imprimé à Lisbonne (Paris, en fait), en 1762.
Vous connaissez peut-être le "Directorium Inquisitorum", un des ouvrages les plus anciens sur le Tribunal du Saint-Office, imrpimé pour la première fois en latin à Barcelone en 1503 et qui est l’œuvre de Nicolas Eymeric, ou Aymerich (1320 – 1399), grand inquisiteur de la province d’Aragon et de Catalogne. C'est en fait en 1376 qu'Eymeric rédigea le "Directorium Inquisitorum", code de procédure qui explique par le menu l'activité du tribunal et les moyens qu'il appliquait pour poursuivre les hérétiques.

Le petit in-12 que j’ai entre les mains est la première édition de cette version française abrégée, elle fût éditée et traduite par André Morellet. Le "Directorium Inquisitorum" fût écrit par Eymeric lors de son séjour à la cour papale d’Avignon , où il exerça les fonctions de chapelain.
Le Manuel des inquisiteurs s'inscrit dans la continuité, sobre mais bien établie depuis le XIIIe siècle, des recueils de textes inquisitoriaux mêlés à des indications procédurières ou jurisprudentielles, à des récits de tel ou tel procès particulier choisis selon l'arbitraire de chaque compilateur et les besoins d'une région ou d'une saison.

Pour autant, ce qui est intéressant dans cet ouvrage et dans la version française, et qui le différencie des autres, c’est que Eymeric met en exergue la technicité pratique et procédurière (ce qui le distingue par exemple du Manuel de l’inquisiteur de Bernard Gui), et livre au final une somme sur l’Inquisition et l’hérésie. On y trouve ainsi tout ce qui est nécessaire pour comprendre ce domaine, le procès inquisitorial, situé au carrefour du droit canon et de la procédure pénale.

L'ouvrage a été rédigé en deux périodes : après Eymeric qui détaille l’Inquisition médiévale, essentiellement espagnole et dont on a envie de dire qu’elle est une machine bien rôdée, le Saint-Siège demanda en 1578 au juriste Pena(1540-1612) d’établir une édition enrichie de l’ouvrage d’Eymeric. Cette version (In Directorium Inquisitorum a Nicolao Eimerico conscriptum commentaria), sera rééditée quatre fois jusqu'en 1607, et aura une diffusion considérable à travers l’Europe.
Le Directorium (littéralement, « le chemin ») permet de s'orienter dans la procédure inquisitoire, de la comprendre, et de l'enseigner. Le Manuel est véritablement un ouvrage didactique, destiné aux inquisiteurs. Ce n’est pas un ouvrage théorique, et c’est aussi ce qui rend la lecture intéressante. Ainsi le ton est parfois cynique, et très souvent pragmatique avec des passages du type « Eh bien ! on fera traîner les choses avec eux ! Pas question, bien entendu, d’accéder à leurs voeux insensés : on les gardera dans une prison horrible et obscure, car les calamités de la prison et les vexations constantes éveillent fréquemment l’intelligence ».

Pragmatisme et cynisme se confondent souvent d’ailleurs : ainsi on autorise le fait de jouer avec le sens de la grâce, en faisant confondre « grâce » juridique et « grâce » divine, afin de tromper le suspect d’hérésie. Un autre exemple : quand on se demande s’il faut châtier les fous, Peña rappelle que « la finalité première du procès et de la condamnation à mort n’est pas de sauver l’âme de l’accusé, mais de procurer le bien public et de terroriser le peuple. Or le bien public doit être placé bien plus haut que toute considération charitable pour le bien d’un individu.». Je crois que tout est dit. Si on complète cette vision par la définition de l’hérésie qui est donnée « compréhension ou interprétation de l’Evangile, non conforme à la compréhension et à l’interprétation traditionnellement défendues par l’Eglise catholique », la boucle est bouclée et les possibilités offertes à l’inquisiteur deviennent infinies, d’autant plus que de Peña durcit encore la définition : « Seront légitimement hérétiques ceux qui rendent visite aux hérétiques, ou qui les maintiennent, ou assistent, ou accompagnent. Les suspicions sont, dans ces cas, suffisamment fortes pour justifier à elles seules des procès en hérésie
Une grande partie de l’ouvrage est consacrée à la torture, « Il n’y a pas de règles précises pour déterminer dans quels cas on peut procéder à la torture. » Dans les faits et la jurisprudence, « le diffamé ayant contre lui ne serait-ce qu’un seul témoin, sera torturé ». Bref on torture systématiquement un suspect d’hérésie qui refuse d’avouer, c'est-à-dire quand « l’accusé, qui, dénoncé, n’avoue pas en cours d’interrogatoire ». Le Manuel est d’ailleurs explicitement en faveur de la torture : « je loue l’habitude de torturer les accusés, notamment de nos jours où les mécréants se montrent plus éhontés que jamais. »

L’édition française est intéressante à plus d’un titre : déjà elle est compréhensible pour tous ceux qui ne sont pas latinistes, ce qui n’est pas le moindre de ses défauts, mais elle est également remarquablement bien organisée en 14 chapitres qui constituent un véritable vade-mecum du petit inquisiteur en herbe… et tempérée par le post-scriptum de l’éditeur :

« il se trouvera peut-être des personnes honnêtes et des âmes sensibles qui nous blâmeront d'avoir mis sous leurs yeux les tableaux affreux que nous venons de présenter ; elles demanderont quel avantage ou quel plaisir on peut trouver à arrêter ses regards sur des objets aussi révoltants. Pour repousser ces reproches, il nous suffira de remarquer que c'est précisément parce que ces travaux sont révoltants qu'il est nécessaire de les montrer pour en inspirer l'horreur : qu'après tout, ces cruautés ont été applaudies pendant plusieurs siècles par des nations que nous appelons polies, et qui prétendaient avoir une morale : que, dans plusieurs pays de l'Europe, ces maximes horribles sont encore regardées comme sacrées ; que dans d'autres, ce n'est que depuis peu de temps - et encore à peine - qu'il est permis d'en rire et de s'en indigner; enfin et ce trait seul nous justifiera, on a imprimé à Paris en 1758 l’Apologie de la Saint-Barthelemy ; il est donc encore utile d’écrire sur l’Inquisition», André Morellet.

H

vendredi 26 décembre 2008

La Nouvelle Revue des Livres Anciens

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Comme vous l'avez remarqué, mon épouse a pris momentanément le contrôle du blog et je n'ai été sollicité que pour la mise en page. Je reprends les commandes, notamment pour vous informer qu'elle m'a bien offert deux très beaux maroquins, format in-12/in-8 dirais-je. Néanmoins mon enthousiasme est vite retombé quand je me suis rendu compte que chacun d'entre eux avait cinq doigts et que je pouvais les enfiler!

Cette semaine étant placée sous le signe de la naissance de La Nouvelle Revue des Livres Anciens, dont nous avons lancé la souscription samedi dernier, j'en profite pour vous donner quelques nouvelles de ce nouveau et beau projet: vous avez déjà répondu positivement puisque quelques dizaines de paiement nous sont déjà parvenus, aussi bien de France que de l'étranger: il y a d'ores et déjà deux souscripteurs en Argentine, un au Japon, deux en Belgique, deux en Allemagne, deux en Italie, trois aux Etats-Unis, etc.

C'est encourageant en période de fêtes où l'activité se ralenti un peu pour tout le monde.

Avec Jean-Paul, nous nous sommes donc dits que nous allions vous donner plus d'informations sur la Revue. En ce qui concerne le format, vous savez déjà presque tout: in-4, dos carré, couverture épaisse, et 80 pages sur papier glacé, avec de nombreuses illustrations en couleurs.

Chaque numéro de La Nouvelle Revue des Livres Anciens proposera au moins dix grands articles de fond d'une demi-douzaine de pages chacun, sur les sujets chers aux bibliophiles, ainsi que des rubriques récurrentes. Il y aura trois numéros par an, mais seulement deux en 2009, le premier quadrimestre 2009 étant celui de la souscription et de la conception physique de la Revue. Le prix pour les deux premiers numéros est de 30 euros en France et 36 euros pour l'étranger, frais de port inclus.

Plus intéressant, et je sais que vous êtes plusieurs à attendre ces informations, vous retrouverez notamment dans le premier numéro un article fondateur de Christian Galantaris, puis des articles de M. Jean-Dominique Mellot, conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France, ou de M. Guy Biart, Conservateur à la Bibliothèque universitaire Moretus Plantin de Namur, ainsi qu'un article d'Eric, fidèle du blog, qui sera donc en très bonne compagnie, vous en conviendrez. Je me permets de conserver le suspense sur les autres auteurs, tout aussi passionnants et les sujets de leurs articles, que nous vous dévoilerons peut-être plus tard. (comme vous le constatez, notre souhait et de mêler des articles de plumes déjà reconnues à celles d'amateurs éclairés, qui sont aussi passionnants que passionnés).

Soyez dans tous les cas rassurés, les articles sont déjà sécurisés pour les deux premiers numéros. Et comme promis également, en tant que souscripteur, vous pourrez également vivre avec nous l'aventure de la création, étape par étape, nous vous raconterons tout.

Pour souscrire, il y a trois méthodes:
- par chèque, libellé à l'ordre de "La Nouvelle Revue des Livres Anciens" et envoyé à:
La Nouvelle Revue des Livres Anciens
3 B, rue des 16e et 22e Dragons
51100 Reims
FRANCE
- via paypal: notre adresse paypal est nrlanciens@gmail.com
- par virement bancaire, et dans ce cas, merci de prendre contact avec nous par email pour que nous puissions vous communiquer nos coordonnées.

H

mardi 23 décembre 2008

Les 8 commandements de l'épouse de Bibliophile

Chers amis Bibliophiles de mon Bibliophile de mari,

Cela ne vous aura sans doute pas échappé : Noël, c’est demain.

Cette année, j’avais décidé de frapper « un grand coup ». Ayant pris contact, à l’insu de mon tendre époux, avec l’un des vôtres (il se reconnaîtra ce soir), je voulais lui offrir un livre rare, ou un ex-libris, puisque l’idée farfelue m’était venue que tout ce petit monde se trouverait probablement sous le sabot d’un cheval.
Après quelques échanges de mails avec mon conseiller es bibliophilie, appelons le Monsieur F., quelques visites à de sombres échoppes toujours pleines de fumée de cigare et d’hommes à moustache (Mon Dieu ce que le libraire peut réserver un accueil distant quand il le veut), je l’avoue … je jetais l’éponge : trop compliqué, trop hermétique.

Je me rabattais donc sur les cadeaux que l’on fait habituellement aux hommes élégants : gants de conduite en pécari, pyjama de chez Charvet, eau de toilette d’une bonne maison. Noël 2008 ne verrait définitivement pas l’avènement d’un ex-libris frappé d’un cœur rouge et marqué « Aut Hugo Aut Nihil », mais ma devise peut-elle être constituer l'ex-libris de mon époux, d'ailleurs? Non? Tant pis.

Et d’ailleurs quand mal m’en a pris de confesser cette idée saugrenue à mon mari, il en resta stupéfait ; comme pétrifié, presque traumatisé à l’idée qu’on puisse fomenter ainsi un tel putsch contre sa bibliothèque et ses livres: « Mais tu n’y penses pas????? Sais-tu ce que représente un ex-libris dans la vie d’un bibliophile ? Je ne sais même pas si j’y ai droit, si je dois en avoir ou pas, et de toute façon si c’est le cas, cela prendrait des mois voire années de réflexion pour en avoir ne serait-ce qu’une ébauche ! Et puis, je ne suis encore moi-même qu’une ébauche ! ».

Dépitée, j’écrivais ces 8 commandements, que je vous livre ce soir, et que seul l’amour d’un homme peut aisément dépasser.

Commandement n°1 :
De cadeau à un bibliophile pour Noël jamais tu n’offriras, sous peine de te ruiner ou de te ridiculiser, c’est selon, voire les deux. (sauf si vous êtes vous-même bibliophile, et que vous avez épousé un bibliophile, mais cela est-il statistiquement possible ?).

Commandement n°2 :
D’ex-libris pour ses livres point tu n’imagineras. Car l’ex-libris se mérite, et il s’agit là d’un sujet sérieux qui ne se traite pas à la légère. Votre bibliophile a-t-il gagné assez de galons pour en avoir un lui aussi ? « Question à 1 million d’euros » selon Monsieur F. (je suggère à ce titre, un petit débat à ce sujet sur le blog).

Commandement n°3 (de circonstance) :
D’inondation dans un appartement déserté pour les vacances à gérer à distance tu n’auras … Ceci nous étant arrivé aujourd’hui, mon bibliophile de mari, ayant décidé que sa femme n’avait qu’à gérer l’intendance quand lui vaquait à des choses importantes, ne me demanda qu’une chose : Mes livres sont-ils touchés ? Une fois rassuré, et cette question évacuée, le reste était sans importance.

Commandement n°4 :
Méfiante jamais tu ne seras quand tu entendras ton mari s’écrier au téléphone en parlant à Monsieur F. : « elle est belle ! Aucun défaut, je ne cesse de la caresser ». Inutile de faire un esclandre, il ne s’agît que d’une reliure (c’est ma maigre consolation).

Commandement n°5 :
Sur le prix de ces livres jamais tu ne t’interrogeras. Il est des secrets de bibliophiles bien gardés que les béotiens ne sauraient comprendre, et mon mari m’a toujours cité l’exemple de ce bibliophile qui écrivait 100 €, 50 € sur la première page de tous ses livres (au lieu des fortunes dépensées), pour ne pas effrayer son épouse. Celle-ci une fois veuve proposa à un libraire de reprendre le lot aux prix marqués… Mieux vaut ne pas savoir d'ailleurs.

Commandement n°6 :
Le nombre des livres qui envahissent la maison jamais tu n’évalueras. La culture et la passion ne se mesurent pas en quantité, même quand les livres du 18ème envahissent le moindre centimètre carré disponible.

Commandement n°7 :
Jamais tu ne t’inquiéteras quand ton mari partira avec deux livres sous le bras et un air de conspirateur heureux vers un déjeuner mystérieux, où l’on parle un langage hermétique, et où les échanges sont passionnés.

Commandement n°8 :
Jamais ne tu ne t’offusqueras lorsque le véhicule familial fera un détour significatif pour aller "vérifier si ce petit libraire sympathique a rentré quelque chose d’intéressant. Pense aux enfants allons, une librairie, c’est le premier pas vers la culture !"
Bref, en un mot, les livres aimer progressivement il te faudra! Bonnes fêtes à vous tous et toutes.

AC.

P.S. : souscrivez à la Revue, il ne pense plus qu'à ça, n'est-ce pas Monsieur F.!

samedi 20 décembre 2008

La Nouvelle Revue des Livres Anciens

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Voici donc la grande nouvelle: une nouvelle revue destinée aux bibliophiles va voir le jour en France. Elle est née de discussions entre deux bibliophiles qui veulent s’inscrire dans la longue tradition de revues dédiées à la bibliophilie et aux livres rares et précieux dans le passé, permettant aux bibliophiles d'approfondir leurs connaissances et de découvrir de nouveaux sujets.

Cette revue, la voici, c'est La Nouvelle Revue des Livres Anciens (dont vous découvrez la couverture ci-dessous). Cette revue paraîtra 3 fois par an, et la première livraison est prévue au printemps 2009.
Les thèmes abordés couvriront tous les sujets chers aux bibliophiles: l'objet Livre, de la typographie à la reliure; les portraits de professionnels du Livre et de bibliophiles, d'hier et d'aujourd'hui; les grandes imprimeries, librairies et bibliothèques, privées et publiques; les grands événements, salons, ventes, expositions et conférences; les publications incontournables, livres et périodiques, etc.

La Nouvelle Revue des Livres Anciens est placée sous le parrainage de M. Christian Galantaris, Expert honoraire près la Cour d'Appel de Paris et auteur notamment du Manuel de Bibliophilie (Editions de Cendres, 1997, deux volumes in-8).

Elle est crée par Jean-Paul Fontaine et Hugues Ouvrard, et soutenue à la fois par des fidèles du blog, des libraires, des conservateurs de bibliothèques, et des universitaires.

Les deux numéros de 2009 (printemps et automne) de La Nouvelle Revue des Livres Anciens sont en vente par souscription dès aujourd'hui, ce qui en fait le cadeau de Noël idéal! Le montant de la souscription est de 30 euros pour ces deux numéros. La souscription est ouverte à ce prix jusqu'au 20 janvier.

Il s’agît d’une revue de luxe, de format in-4 (environ 21 x 27 cm), dos carré, sur grand papier, de 80 pages environ, illustrées en couleurs, à tirage limité et numéroté.

La souscription se fait par chèque libellé à l'ordre de « La Nouvelle Revue des Livres Anciens », envoyé à l'adresse ci-dessous :

La Nouvelle Revue des Livres Anciens
3 B, rue des 16e et 22e Dragons
F - 51100 Reims
Adresse email:
nrlanciens@gmail.com

Bonne chance!

H

vendredi 19 décembre 2008

Sos Fléty, reliure amateur et "R" bizarre

Amis Bibliophiles Bonjour,

Je vous propose un message rapide avant de partir pour mon pèlerinage annuel dans le Palatinat, et pour mieux vous retrouver avec une grande surprise demain vers 21h30.

1. Patrick n'a pas le " Fléty", dont il découvert l'existence en lisant le Blog, et il recherche des informations sur un relieur qui signe H. M. Pescher. (Inconnu de Claude Blaizot). Une idée?

2. J'ai reçu un email sympathique d'un jeune bibliophile né dans les années 1930 qui a récemment exercé ses compétences de restaurateur sur un objet bien éloigné de la bibliophilie. Je vous livre son récit ci-dessous: "DE LA RELIURE A LA RADIO PAR DES CHEMINS TORTUEUX". Depuis l'âge de 12 ans ( il y a de cela 58 ans) je me suis adonné à la reliure, j'y ai fait quelque progrès depuis mais je reste néanmoins un modeste amateur. Cependant je ne résiste pas au plaisir de montrer quelques-unes de mes réalisations, dont je suis assez fier malgré l'existence de quelques vices bien cachés que je suis seul à connaître.
L'originale de Madame Bovary - Paris - Michel Levy - 1857. Les 2 parties reliées en un volume, malheureusement sans les couvertures. Plein veau glacé avec incrustations de feuilles naturelles, étui de protection pleine toile bleue.
Et un petit bradel d'usage sur une banale édition de La Guerre des Etoiles. Plats imprimés sur papier glacé : photos, prises au microscope en lumière polarisée, de cristallisations de composés chimiques. Cette ressource, pas très orthodoxe, est d'une richesse prodigieuse.

Cependant j'applique principalement mon "talent" à la restauration d'ouvrages anciens, ce qui me conduit à réaliser notamment des imitations de papiers marbrés anciens, à la colle et à l'éponge ; les papiers que l'on trouve dans le commerce ont toujours un aspect beaucoup trop neuf.

La bibliomanie et la reliure ne sont pas mes seuls vices (impunis comme la lecture) car je m'intéresse également à l'histoire des sciences et particulièrement de la T.S.F. comme on l'appelait avant que le mot "électronique" ait été tiré du grec. L'accumulation d'appareils scientifiques est hélas encore plus dévoreuse de place que celle des livres, mais qu'y faire ?

Dernièrement j'ai eu l'occasion d'acheter dans une vente publique deux récepteurs Philips des années 1920, pour la somme symbolique de 25 euros ce qui, vu leur état, représentait déjà un bel effort. Ci-après la photo du modèle 2514 accompagné de son diffuseur, ou plutôt ce qu'il en reste.
La "chose" n'était pas très ragoûtante mais en fait elle était surtout recouvert d'une épaisse couche de poussière que j'ai pu l'éliminer par un bon lessivage et un ravivage au cirage noir, "l'ébénisterie" étant en tôle d'acier recouverte de percaline noire. Pour le diffuseur, le cas semblait désespéré, la membrane était percée en plusieurs endroits et avait déjà fait l'objet d'une tentative de restauration au scotch, arme favorite et bien connue des "bibliophiles" d'occasion. Une seule solution refaire une membrane à l'identique, et c'est là que la technique de la marbrure intervient, avec un bristol généralement quelconque, de la patience, beaucoup de chance et l'invocation des manes des hommes illustres - Hertz, Branly, Marconi, Trautz et Tchekeroul - je suis maintenant en mesure d'écouter les informations sur ce vénérable ancêtre. Dire qu'on entend des choses intéressantes, est une autre histoire!
La comparaison des photos parle d'elle-même.

3. Georges me transmet également une photo du R dont il était question hier,tout à fait particulier en effet, connu sous le nom de R-bizarre. "On le voit bien sûr le site suggéré (Bridwell-Library, Protho Collection, Biblia Latina, c.1473), on le voit aussi sur le site Dawn of Western Printings, section: caractères de Adolf Rusch, et tous les autres caractères des feuillets avec. Ca pourrait donc être un fragment de la Biblia Latina, ISTC: ib00536500, de "l'Imprimeur à l'R-bizarre" (Johann Mentelin et Adolf Rusch, son gendre, qui exerçaient à Strasbourg). D'après ISTC, on la date entre 1470 et 1473; je crois qu'il y a eu une polémique à ce sujet, car certains la dataient vers 1465, d'où des discussions sur le premier inventeur du Roman Type. En savez-vous plus?"
A demain, 21h30!

H

mercredi 17 décembre 2008

Identification/Entraide et Faire-part

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Avant toute chose, deux bonnes nouvelles: d'une part, comme vous l'avez plus haut, une grande nouvelle qui va secouer le petit monde la bibliophilie vous donne rendez-vous sur le blog samedi vers 21h30, soyez au rendez-vous!

D'autre part, plus proche de nous, j'ai reçu le faire-part par la Poste de ce matin et j'ai le plaisir de vous annoncer la naissance d'une nouvelle librairie ancienne, qui va ouvrir ses portes en 2009 dans la belle ville de Tarascon. Une nouvelle librairie tenue par un ami, puisque ce n'est autre que Pierre, qui intervient régulièrement sur le blog, qui va réaliser notre rêve à tous: vivre des livres, au milieu des livres... Inutile de préciser que nous lui souhaitons avec un peu d'avance la plus grande des réussites. Dès que Pierre m'aura envoyé une photo et une adresse, je vous en dirai plus. Ce que je sais, c'est que si vous lui rendez visite au nom du blog, il sera heureux de vous offrir... une poignée de main franche et chaleureuse!

Je vous pose maintenant une petite colle, à destination des experts du blog: Georges m'a adressé l'email ci-dessous: je tente d'identifier un(morceau)de livre, et peut-être pourriez-vous m'aider: Il s'agit de 29 feuillets d'une bible semble-t-il incunable,transformés en carton dans la reliure d'un Mezeray 1643,imprimé à Paris.
Les feuilles ont été coupées en tête et en marge,sans perte de texte. Elles mesuraient 40.30 environ, il y a en moyenne 56 lignes sur deux colonnes,des lettrines à la main à chaque chapitre,des titres à la main, et beaucoup d'annotations(illisibles pour moi). Le caractère est roman type,genre Jenson. Le texte est celui de la Vulgate de St-Jérôme,avec ses commentaires,identique à ce qu'on peut voir sur Internet des premières Bibles imprimées(Gutenberg par ex.).
Les 29 feuillets, qui se suivent,contiennent:Ecclesiasticus(Sirach)ch.50(fin),ch.51,ch.52 (Prière de Salomon, souvent absente);commentaires de Jérôme sur Isaie; Isaie,ch.1à56;commentaires de Jérôme sur Jérémie; Jérémie,ch.1 à 32. Ca s'arrête là. J'ai trouvé des filigranes(raisin,et fleur?à 9 pétales), que je ne peux identifier, faute de Briquet. Voilà la description. Je pense à un incunable italien,sans certitude. Qu'en pensez-vous?

Merci pour lui!

H

dimanche 14 décembre 2008

Portrait d'un immense relieur: Marius Michel

Amis Bibliophiles Bonjour,

Il est des noms que l’on retient instantanément et pour toujours dans la vie d’un bibliophile est Marius-Michel (ou Marius Michel… mais jamais Marius, comme on peut le lire malheureusement parfois, alors que ce n’est nullement son prénom) est l’un de ceux là. Mais qui est Marius-Michel, ou qui sont les Marius-Michel devrais-je dire ?
Fer de Marius MichelCelui que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Marius-Michel (1846-1925) et qui s’appelait en réalité Henri-François-Victor Marius Michel, est un relieur-doreur d’art et décorateur français du 19ème siècle. Il est en fait le fils d’un doreur, Jean Michel (1821 – 1890), dit Marius-Michel, qui travaillait pour les grands relieurs de l’époque.
Portrait de Marius MichelAncien élève des Arts décoratifs et des Beaux-Arts dont il suivait les cours tout en travaillant dès son jeune âge dans l’atelier familial, Henri-François-Victor crée avec un atelier avec son père en 1876, au 15 rue du Four à Paris. L’objectif de cet atelier est d’exécuter à la fois les décors et les reliures et c’est Marius-Michel fils qui en sera le véritable animateur. En effet, sa conviction profonde est qu’il faut proposer une nouvelle forme de reliure, plus adaptée aux œuvres des grands auteurs de l’époque. Ses conceptions novatrices sont d’ailleurs en rupture totale avec les tendances de ces contemporains et des goûts encore très conservateurs des bibliophiles de son époque : ce sont les reliures pastiches et les copies (comme celle de Trautz par exemple) qui recueillent alors les suffrages des commanditaires.
Reliure de Marius-MichelMalgré les premières difficultés, Marius-Michel reste fermement convaincu de ses choix et présente dès 1878 une série de reliures aux décors de grands motifs floraux qui révolutionneront l’Exposition Universelle. Peu à peu, les grands bibliophiles et ses confrères se laisseront convaincre et en 1895 il est nommé au conseil de surveillance de l’école Estienne, signe qu’il est désormais à la fois l’un des plus grands artisans relieurs de son époque, mais aussi le chef de file de son propre courant décoratif qui allie les matériaux gravés et ciselés, l’harmonie des couleurs et les motifs floraux ou végétaux.
Reliure maroquin de Marius Michel, relieurLa consécration viendra lors de l’Exposition Universelle de 1900 au cours de laquelle un Grand Prix lui est décerné. Béraldi écrira alors « L’exposition de 1900 met au comble de la gloire Marius-Michel, jadis jeune relieur inquiet s’efforçant de renouveler le décor par la flore ornementale et influencé par le 16ème siècle, … sa vitrine est une réunion des morceaux les plus précieux… Tout a été dit sur l’harmonie contrastée des tons de maroquin amoureusement choisis, toujours dans la note grave. Tout a été dit sur l’élégance des décors admirablement proportionnés, établis sur des données géométriques certaines, empruntés à la flore ornementale, qui va de la rose et de l’œillet au chèvrefeuille et à l’orchidée ; un art absolument nouveau, sans être de « l’Art Nouveau » ou du « modern style ». Grand Prix pour la seconde fois, il vient d’être fait chevalier de la Légion d’Honneur, car dans la reliure d’art une croix est autrement difficile à emporter que dans le biscuit ou le cirage. ». S’il conclue avec malice, Béraldi résume parfaitement l’art de Marius-Michel. Les caractéristiques essentielles de son œuvre restent l’adéquation entre la reliure et le texte, les motifs floraux, qui peuvent être mosaïqués ou même réservées à des gardes de soie, et les cuirs incisés et modelés. Cela consiste en fait à graver, inciser et travailler un morceau de cuir humide avec des pointes chauffées. Le morceau de cuir ainsi préparé était ensuite encastré dans un espace qui lui était réservé dans la reliure. Marius-Michel exécutait parfois lui-même ce procédé, mais d’autres, plus illustratifs, furent réalisés par Lepère et Steinlein. Reliure maroquin de Marius Michel, relieurReliure maroquin de Marius Michel, relieurCeci dit, l’atelier Marius-Michel produisit également des reliures plus classiques, jansénistes par exemple. Reliure maroquin de Marius Michel, relieurA noter enfin que l’on trouve parfois des reliures portant la mention « relieur: Hardy (par exemple) et doreur : Marius-Michel », j’en ai eu entre les mains, et qui montrent que l’artiste travaillait parfois en collaboration avec ses pairs.

Marius-Michel père n’aura pu assister au triomphe de son fils à l’Exposition Universelle de 1900 et mourût en 1890, Marius-Michel fils, lui s’éteindra en 1925 après avoir confié son atelier à Georges Cretté (voir
http://bibliophilie.blogspot.com/2007/10/georges-crett-le-costumier-du-livre.html) en 1918.

Marius-Michel aura laissé deux réflexions majeures sur la reliure : La Reliure française depuis l’invention de l’imprimerie (1880-1881) et L’Ornementation des Reliures Modernes, à Paris, 1889, chez Marius Michel et Fils, et qui est d’ailleurs cosigné par MM Marius Michel, Relieurs-Doreurs. J’aime particulièrement dans cet ouvrage la fin de l’avant-propos qui donne matière à sourire et pourrait encore avantageusement servir : « … c’est que rien n’avait été fait jusque-là de sérieux sur cet art si intéressant et nous considérons comme un honneur d’avoir vu toutes les publications parues depuis sur ce sujet nous faire de larges emprunts ; regrettant seulement que certains de nos emprunteurs aient dissimulé avec autant de soin la source où ils avaient puisé un savoir d’aussi fraîche date ». MM Marius Michel avaient du caractère, qui pourra s’en plaindre ?
Ex-libris de Marius Michel, relieurUne petite information qui manque souvent dans les articles que l’on peut lire sur Marius-Michel : père et fils étaient également bibliophiles, voici d’ailleurs leurs ex-libris. Ils n’en sont que plus sympathiques encore !

H

samedi 13 décembre 2008

Les belles reliures de Pierre Duodo

Amis Bibliophiles Bonsoir,

C'est le portrait de Lauverjeat (http://bibliophilie.blogspot.com/2008/06/portrait-dun-bibliophile-gilles-alias.html) qui me mît la puce à l'oreille: notre expert en héraldique rêvait d'une reliure de Duodo. Mais qui donc est ce Duodo que je ne connaissais pas? Et qu'ont de particulier ses reliures?

Pierre Duodo n'est pas l'un de ces grands relieurs de l'histoire, c'est l'un de ces grands bibliophiles qui ont donné leur nom à un style de reliure, comme Grolier par exemple. Diplomate vénitien du 16ème siècle, Pierre Duodo (1554 - 1610) fut ambassadeur auprès de Henri IV. Il fit relier à Paris environ 150 volumes (133 sont aujourd'hui identifiés, qui correspondent à 90 ouvrages) qui ont marqué la bibliophilie pour plusieurs raisons: le choix de couleurs de maroquin spécifiques selon le genre de l'ouvrage, le décor particulier qui donnera l'expression "à la Duodo", et l'erreur d'attribution de ces reliures, dont on ignora longtemps le commanditaire.

Les maroquins de couleurs: Duodo opta pour des maroquins de couleurs différentes pour chaque genre d'ouvrage. Ainsi le maroquin citron était destiné aux ouvrages de sciences, principalement la médecine et la botanique, le maroquin rouge réservé aux ouvrages de théologie, de droit, de philosophie et d'histoire, et le maroquin vert olive pour la littérature.

Le décor choisi par Duodo pour ces maroquins est extrêmement caractéristique et pourrait se décrire comme suit: un semis régulier de 14 ovales floraux (pour chaque plat), inscrit dans un cadre composé d'une bande de feuillages et de palme, et bordé d'un double filet doré. Les ovales sont composés de couronnes de branches de laurier enserrant une fleur (qui peut être une pivoine, un pavot, une pensée, etc.). Au centre des plats, on trouve les emblêmes de Duodo: sur le premier plat dans un ovale légèrement plus grand "une bande courbe chargée de trois fleurs de lys", et sur le second plat, dans un même ovale, un pied de trois lys au naturel entouré de la devise familiale des Duodo "Expectata non eludet". Le dos est orné des mêmes fers ovales et d'un encadrement de feuillage. Quand le dos est trop étroit, comme sur un des volumes d'Esmerian, l'encadrement est alors absent.
Les 133 volumes qui lui sont aujourd'hui attribués (et dont certains apparaissent régulièrement lors de grandes ventes) ont également ceci de caractéristique qu'ils sont tous de petits formats, généralement in-12, ce qui peut donner à penser qu'ils formaient une forme de bibliothèque de voyage. Dans tous les cas, l'approche méthodique qui attribue une couleur de maroquin à un genre est très intéressante à mes yeux.

En fait, les volumes apparurent d'un seul bloc sur le marché anglais de livre à la fin du 18ème siècle (c'est aussi ce qui c'est passé pour les Pillone, il semble que ces bibliothèques extrêmement cohérentes, en particulier au niveau de la reliure, résistent mieux à la dispersion sur le long terme). Elles furent acquises par un libraire qui les dispersa ensuite. Jusqu'à ce que Ludovic Bouland démontre en 1920 que ces reliures avaient en réalité appartenu à Pierre Duodo, elles furent longtemps injustement attribuées à Marguerite de Valois (1553 - 1615), première épouse d'Henri IV. Bouland a en effet apporté la preuve que la bande courbe aux trois fleurs de lys correspondait aux armes de Duodo: le diplomate vénitien se vît remettre un diplôme royal l'autorisant à introduire les armes de France (les fleurs de lys) dans ses propres armes le 3 septembre 1597. Il est donc quasi certain que les reliures furent exécutées après cette date, ce qui laisse un laps de temps très court à l'atelier, probablement trop court même, puisque Duodo quitta Paris 2 mois plus tard. Reste à savoir quand il en prît exactement possession : lui fût elle envoyée ou en prît-il possession lors de passage suivant à Paris, qui n'eût lieu que 6 ans plus tard?

Je n'ai pas vécu au début du 17ème et je ne sais pas quelle confiance on pouvait alors accorder à la malle poste, mais je suis bibliophile et si je mets à la place de Duodo, il me semble impossible qu'il ait attendu 6 ans: replaçons nous dans le contexte, Duodo imagine une bibliothèque unique, avec des couleurs de maroquin spécifiques, il fait frapper ces reliures d'une dorure particulière et des armes de France, etc.
On peut donc penser que cette bibliothèque, ces ouvrages, revêtent une grande importance à ses yeux, et qu'il a du mal à s'en séparer (ils sont d'ailleurs de petit format et peuvent laisser penser que c'est une bibliothèque de voyage de luxe qui s'est ainsi construite sous nos yeux)... il ne pourra donc raisonnablement attendre 6 ans pour les caresser et les lire. Et on ne peut imaginer que l'atelier n'ait eu besoin que de deux mois pour relier et dorer 133 volumes, à moins que les ouvrages ne fussent prêts et qu'il ne restât plus qu'à frapper les armes (peu crédible, non)? A moins encore que les volumes ne lui aient été envoyés au fur à et à mesure de l'atelier. Cette partie de l'histoire des Duodo reste à élucider. Certains experts pensent même que Duodo ne rentra finalement jamais en possession de sa bibliothèque et qu'elle l'attendit en vain pendant 200 ans à Paris avant que les vicissitudes de la Révolution de la conduisent de l'autre côté de la manche.

De même que le nom de l'atelier, qui reste aujourd'hui encore inconnu. Dans tous les cas, l'uniformité des fers utilisés et même des coutures des reliure démontrent qu'un seul atelier eu la responsabilité de ce travail. La qualité de cet atelier fait penser à celui de Clovis Eve (c'est l'option de R. Esmerian) mais l'emploi sur deux d'entre elles d'un décor spécifique à également conduit Hobson à identifier un autre atelier, nommé l'"Atelier de la seconde Palmette". Le décor à la Duodo, qui n'est pas très éloigné des fanfares de la même époque fût par la suite copié, notamment au 19ème siècle par Thibaron-Joly.

H

La référence: L. Bouland, Livres aux armes de Pierre Duodo.

jeudi 11 décembre 2008

Identification / entraide

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Je vous prie de m'excuser, je n'ai pas toujours le temps de répondre aux emails que vous m'envoyez chaque jour, mais je le ferai! Voici déjà un extrait de vos envois et questions:

1. Pierre aimerait savoir si vous pouvez l'aider à identifier un ex libris intéressant qui figure dans "Les Lettres d'une Péruvienne de Mme de Graffigny, 1797, Didot". Il a envoyé la photo à la Société française d'ex-libris, mais sa requête est restée sans réponse. L'un d'entre vous pourrait-il l'aider ? Selon Pierre, c'est certainement un militaire et un des quartiers est Montmorency mais c'est tout ce qu'il peut dire.


2. Proposition assez étonnante, mais qui trouvera peut-être un écho chez l'un d'entre vous: Patrice possède un cap de reliure. Après différents stages en atelier de reliure dont un de 8 mois à la Bibliothèque Nationale il est actuellement élève aux Ateliers d'Arts Appliqués du Vésinet en restauration de livres anciens, en deuxième année. Il cherche en fait des bibliophiles (courageux, NDLR) ayant besoin de quelqu'un pour ranger, nettoyer, dépoussièrer leurs livres anciens. Il peut auss entretenir vos livres, les cirer et les passer au savon Brecknell. Si cela vous intéresse, contactez-moi, je transmettrai.

3. Joelle, recherche des informations sur le relieur Leca, qui aurait notamment une lettre de Paul Valery à Albert Thibaudet à propos de Mallarmé et probablement un manuscrit inachevé de Mallarmé. Jamais entendu parler de ce Leca (et bigre, je n'ai toujours pas le Fléty!), et vous?

Hugues

mardi 9 décembre 2008

Petite histoire de la profession de graveur, suivie de celle des fers à dorer

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Je vous propose ce soir de reprendre le chemin de la reliure, avec un article de Xavier, sur l'histoire de la profession de graveur, suivie de celle des fers à dorer. Merci à lui.

Jusqu’au XIIIe siècle les estampages se font à l’aide de blocs de bois gravés ; au vu de la difficulté rencontrée pour obtenir un estampage régulier, on eut l’idée d’utiliser du fer doux, puis du cuivre.

Les tailleurs-graveurs sur métal ont gravé en creux les premières plaques ; puis les premiers fleurons de l’époque monastique.

Ces tailleurs-graveurs font aussi des sceaux et des cachets, des fers de livres ; ils font partie de la communauté des fondeurs, chauderonniers, espingliers, balanciers et graveurs de sceaux (en 1467).

En 1705 ; d’autres professions s’occupent de gravure sur métal, les orfèvres, merciers, fondeurs, peintres et sculpteurs, ce qui n’a pas manqué pas de créer une certaine concurrence.

1776 : la réforme générale des corporations réunit les graveurs sur métaux aux fondeurs et doreurs sur métaux. La révolution a aboli les corporations et a permis à tout citoyen, moyennant paiement d’une patente, d’exercer le métier de son choix.

Les fers à Dorer
Les premiers fers à « empreindre » ont vu le jour au XIIe siècle ; ils sont gravés en creux dans du fer doux et représentent des motifs simples.

Au XIVe siècle, apparition des rosaces ; torsades et entrelacs. Jusqu’au XVe siècle ils se sont multipliés par des motifs floraux et par la faune héraldique.

Les fers sont principalement utilisés dans les monastères par les frères relieurs : se sont nos fers monastiques.

La renaissance Italienne du XVI engendre un style différent : la gravure en relief remplace la gravure en creux et apporte une élégance.

Les fers pleins azurés et évidés font encore aujourd’hui l’objet de notre admiration. Ils s’inspirent des vignettes de typographie des célèbres imprimeurs vénitiens : les Alde.

D’autres motifs, ceux là non pas puisés leur inspiration dans l’imprimerie : les entrelacs, se sont les fers Grolier (Jean Grolier de Servières, Vicomte d’Aiguizy, 1479-1565) ; du nom du prestigieux bibliophile.

On retrouvera ces motifs, un siècle plus tard dans les fanfares.

Le XVII est le siècle des tortillons, ou pointillé ; se sont les fers le Gascon (cet inconnu, voir le catalogue de la vente Esmérian T2, partie 2, qui n’éclaire pas plus que Ernest Thoinan) ; les motifs s’inspirent du travail des dentellières.

Le XVIII s’affirme par des motifs de dentellerie, de ferronnerie et de broderie.

La Révolution, attributs vengeurs et philosophiques…, bonnets Phrygiens, tables de lois et piques.

L’Empire, les palmettes et les motifs architecturaux

Restauration et époque Romantique, on redessine les motifs anciens que l’on traite différemment.

Fin XIXe siècle, c’est le BOULEVERSEMENT, il n’y a plus de style, mais autant de styles que de relieurs ; c’est l’avènement des filets droits et courbes. A noter ceux d’art décoratif vers 1925.

1960, la mosaïque de cuir supplante la dorure et la gravure de fers sera occasionnelle.
Roulettes et Palettes

La roulette au filet simple déjà employée au XIIIe siècle, sert à tracer les encadrements et les compartiments contenant les motifs tirés à froid à l’aide de bloc gravés.

Le XVIe siècle voit les roulettes gravées de motifs.
Les plaques
La plaque n’a pas cessé d'être utilisée depuis la fin du XVe siècle, formant généralement le décor central du plat. La plaque a répondu à un besoin d'orner à moindre frais les livres produits en abondance par l'imprimerie naissante.

Au XVe siècle, les sujets sont essentiellement religieux, le plus souvent des scènes du nouveau testament.

Au XVIe siècle, les motifs sont inspirés par les bois à pleine page des livres d'heures, dès la deuxième décennie du XVIe siècle, les plaques à arabesques, déjà en usage en Italie, font leur apparition.

Au milieu du XVIe siècle, on renonce à imiter les décors exécutés à la main. La plaque à une valeur propre avec des milieux et des coins à fond d'azur ; cette innovation fournit l'avantage de pouvoir se servir des mêmes plaques sur des formats différents. Ces plaques restèrent utilisées jusqu'au début du XVIIe siècle.

Au XVIIIe siècle, on imprima tant de livres, que les plaques se comptent par milliers. C'est aussi la grande époque des plaques à combinaisons. A l'approche de la révolution les plaques perdent la plupart de leurs qualités, le dessin est moins précis ; elles sont "plus lourdes", et ne reproduisent qu'imparfaitement les décors à petits fers des maîtres de cette époque.

Aux dernières années du règne de Louis XVI, apparaissent les plaques emblèmatiques, aux dessins empruntés à la faïence et aux tentures d'ameublement.

La Révolution, laisse de rares plaques sans bien grand intérêt artistique, ou l'on trouve surtout le faisceau et la hache, le bonnet Phrygien, statue de la liberté, etc.

Le XIXe siècle et l'Empire, voient l’apparition des plaques aux dessins tirés de la Grèce antique et de la Rome impériale, c'est aussi à l'image de ce qui se fait dans les branches de l'art industriel.

La Restauration, a continué quelques temps le style Empire, mais cède le pas aux ornementations gothiques. Avec les Romantiques et les plaques à la cathédrale, viennent ensuite les plaques de style rocaille aux traits plus ou moins lourds.

Dès 1850, avec le développement de la reliure industrielle, on revient aux plaques à personnages, remises au goût du jour, et qui, tirées en plein or, ne donnent pas toujours les meilleurs résultats.
Une presse à balancier

La dorure aujourd’hui Paul Bonet
G.Cretté, le maître des filets, élève de Marius-Michel
Une prouesse technique, Henri Mercher

Merci Xavier!
Hugues

Sources :
-Les photos des roulettes sont tirées du bel ouvrage de Eugène de Verbizier et de son Traité de dorure sur cuir, Paris, 1990, 2 vol. in-4 en feuilles ; il reste des exemplaires chez l’auteur, au 75 rue Buffon, Paris 5, tél : 01.43.37.53.68
- Marcel Garrigou-Les maîtres de la reliure. Georges Cretté, Grand in-4 en feuilles
-Julien Fléty- La gravure des fers à dorer, Paris, Technorama, 1984, in-8, 166p
-Pascal Alivon- Styles et modèles. Guide des styles de dorures et de décoration des reliures ; Artnoville, 1990, in-8, 175pp.
- Raphaël Esmerian-Bibliothèque....Paris, Blaizot et Guérin, 1972-1974, 5 parties en 6 vol. in-4, 2éme partie, partie 2 : Douze tableaux synoptiques sur la reliure au XVIIe siècle, étude de R. Esmerian sur les fers à dorer.

dimanche 7 décembre 2008

Miscellanées de Monsieur H.

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Quelques idées, quelques informations, quelques trouvailles.

1. Google analytics (outil permettant de mesurer le traffic sur un site) vient de livrer son verdict pour le mois de novembre: vous avez été 3513 visiteurs/bibliophiles différents à venir sur le Blog du Bibliophile au cours du dernier mois, ce chiffre continue de croître (quelques centaines de plus qu'en octobre). Je complète ces chiffres en ajoutant les statitisques un peu moins fiables de sitemeter, qui totalise 12 432 visites au cours du mois et 24 116 pages vues. Le nombre est intéressant en soi, simplement parce qu'il témoigne d'un intérêt assez vif pour la bibliophilie sur internet (même si vous êtes très/ trop peu nombreux à laisser des commentaires, c'est bien simple je reçois entre 5 et 10 emails par jour, alors qu'il y a moins de commentaires sur le blog). C'est très encourageant en tout cas, je vous en remercie.

2. Dans le même temps, ce message est le 604ème posté sur le blog,pour un peu plus de 5000 commentaires (le widget qui s'affiche dans la colonne de gauche est défaillant, comme souvent).

3. La lecture attentive du Dictionnaire Encyclopédique du Livre m'a enfin permis de mettre un nom sur le dos et la pièce de titre de cet ouvrage, qui se présentent dans une configuration peu commune: il s'agît d'un dos à la française, ou d'un titre à la française.

4. Mea culpa, en continuant la lecture je suis précisément tombé sur un "frottis" que j'avais naguère méprisé dans un envol sémantique sur le blog. Le mot existe bien en bibliophilie même s'il ne doit pas servir à désigner ces petits frottements sur une reliure, comme je le soulignais, avec l'approbation du docteur Fontaine, d'ailleurs. Un frottis est l'empreinte d'un décor ou d'une inscription en creux, prise en frottant légèrement un crayon tendre sur une feuille de papier mince appliquée contre l'élément à copier (DEL). Avant l'invention du scanner et de l'appareil photo numérique, c'était le moyen utilisé pour envoyer à quelqu'un des armes à identifier par exemple. Pour une reliure frottée, on préfèrera simplement "frottée", ou en anglais "rubbed". Simplement.

5. Que faire quand via le blog du bibliophile vous recevez l'email suivant? "bonjour. je suis monsieur xxxx xxxx. il y a quelque année j'ai acheter des livres chez jean de bonnot.je voudrais savoir si il y a un site internet pour pouvoir en acheter". J'ai répondu ceci: "...d'un point de vue personnel, ces ouvrages ne sont pas des ouvrages de bibliophilie, et souvent beaucoup trop chers. Je suis à votre disposition pour vous donner des conseils pour vous lancer dans la vraie bibliophilie". A peine avais-je cliqué que je m'interrogeais sur le bien fondé de ma réponse. De quel droit, etc... Mais bon, c'est plus fort que moi. Ca me fend le coeur de voir des gens se ruiner pour des Jean de Bonnot.


H

vendredi 5 décembre 2008

Comment décrire un livre, conseils aux néophytes

Amis Bibliophiles bonsoir,

Bibliophiles comme amis libraires (même les meilleurs amis), nous nous trouvons tous un jour dans la situation de vendre un livre et donc de le décrire. Pour vous aider face cette situation délicate, qui est loin d'être évidente, je vous propose de suivre les conseils suivants. Ils sont inspirés de ma longue pratique en tant que lecteur de notices proposées par de nombreux vendeurs, "professionnels emphatiques" ou amateurs, et de la lecture de "A Course in Correct Cataloguing, or Notes to the Neophyte; and A Second Course in Correct Cataloguing, Compiled and arranged by David Magee (1905-77)", que m'a indiqué l'ami Martin, et que j'ai augmenté et adapté.

A prendre bien sûr avec humour et ironie, même si c'est très souvent justifié et vérifiable!

Attribuable à : si votre maroquin n’est pas signé, pas de panique cela ne peut qu’être lié à l’oubli d’un apprenti dans un atelier renommé. A ne pas oublier, si la reliure est ancienne, ne pas hésiter à l’attribuer à Boyet ou à Le Gascon, si elle est 19ème, elle est forcément de Capé, Duru ou Trautz.

Bibliographies : utiles et toujours impressionnantes dans une description, elles sont souvent très profitables. Si elles ne vous profitent pas, ne pas hésiter à dénigrer les bibliographes, qui se trompent souvent ! Si votre édition est inconnue des bibliographies, c’est le jackpot.

Absent des bibliographies : « pas dans Dorbon, Brunet ou Caillet » est une affirmation qui rend votre livre rare et qui sous-entend qui vous avez de vastes références bibliographiques. Ou google à la maison.

Cachets de Bibliothèque: toujours discrets, surtout si vous avez essayé de les effacer.

Coloriés à la main : les illustrations coloriées à la main sont toujours "exquises" et "délicates".

Craquant : adjectif charmant qui s’utilise en général pour les feuilles de laitue.

Défauts : ils sont toujours « minimes » ou « d‘usage » voire « habituels ». Ils sont bien sûr liés aux outrages du temps, mais jamais aux rats, souris, enfants indélicats ou abrutis patentés.

Dorure : elle est toujours "exquise" et très "fine".

Dos : pour un livre 18ème il est toujours "richement orné".

Dubuisson : cf « attribuable à », toute reliure à plaque du 18ème est de Dubuisson… ou presque.

Dürer : toutes les gravures non signées du 16ème siècle peuvent lui être attribuées. Il peut être pertinent de vérifier que votre ouvrage est paru à peu près pendant sa vie.

Premier tirage : si votre copie possède un élément qui tend à montrer qu’elle est de premier tirage, soulignez-le avec force. Et n’oubliez pas de doubler le prix.

Edition Originale : à utiliser sans modération, ne jamais oublier qu’une édition revue, augmentée et/ou corrigée peut aisément être qualifiée d’originale. Ou presque. Et n’oubliez pas de doubler le prix.

Edition (troisième et suivante) : plus difficiles à vendre. Mais vous pouvez sans doute découvrir une préface inédite de trois lignes ou quelques corrections qui vous permettront un efficace « troisième (et meilleure) édition ».

Epave : on préférera « exemplaire de travail ».

Exemplaire/Seul exemplaire connu : n’oubliez pas d’ajouter « excessivement rare », les gens sont tellement stupides.

Exemplaire de travail : tout livre qui est déchiré, sans reliure, roussi, brûlé, dévoré par les vers ou les rats, etc.

Faux-titres : très important si votre exemplaire en possède.

Frotté : doit toujours être accompagné de « légèrement ». Vous pouvez même ajouter « signes de l’amour que lui porta son ancien propriétaire ».

Illustrations : toujours "superbes", "célèbres" ou au moins "curieuses".

Jamais ouvert/à l’état de neuf : indique en général un livre que personne n’a jamais eu envie d’ouvrir. N’oubliez pas de doubler le prix.

Noms manuscrits sur les faux-titres ou la page de titre : ce petit défaut peut être aisément changé en qualité en consultant google ou un dictionnaire biographique. Ainsi un « Bougremont » maladroitement calligraphié vous conduira à : de Bougremont, Jean (1649 – 1720) : écuyer du Connétable de Bourgogne et seigneur de Bougremont, célèbre pour sa collection de hiboux empaillés. A vous de rédiger votre notice : « charmant ouvrage ayant sans doute appartenu à Jean de Bougremont, célèbre aristocrate du 17ème siècle, ornithologue et grand cavalier. Rare provenance ».

Octavo : un format pratique quand vous n’êtes pas très sûr de vous.

Provenance : un élément clef. Il est toujours plaisant (et souvent profitable) de cataloguer un exemplaire La Bédoyère – Hoe – Adams, mais si votre ouvrage contient l’ex-libris d’un illustre inconnu comme le marquis de Bougremont, alors vous devez simplement écrire « exemplaire Bougremont ». Certaines personnes trouveront cela étrange mais vous serez surpris de voir combien cela fonctionne.

Rare : s’applique pour tout livre que vous croisez de temps en temps. Et n’oubliez pas de doubler le prix.

Recherché : s’applique pour tout livre rare. Et n’oubliez pas de tripler le prix.

Restauration : toujours « habile » et « ancienne »

Rousseurs : toujours "légères", voire "minimes".

Tranches peintes : elles sont toujours "superbes" et "exquises", même si c’est votre arrière grande tante Simone qui les a peintes un dimanche pluvieux.

Trou de ver : toujours "minuscules". Toujours dans les marges. Il est communément admis que les vers n’aiment ni l a lecture, ni l’encre.

Unique : un mot dangereux, mais qui sonne bien.

A vous de jouer!

H

mercredi 3 décembre 2008

La persévérance récompensée, ou le bonheur du Bibliophile

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Que celui d'entre vous qui n'a jamais eu un dépareillé dans sa bibliothèque avec l'espoir (quasi vain, il faut bien le dire) de dénicher un jour le ou les tomes qui feraient du dépareillé un ouvrage complet me jette la pierre... que celui d'entre vous qui n'a attendu de longues années l'exemplaire parfait ou presque avant de se lancer dans un achat me jette un joli veau glacé... que celui qui n'a jamais acheté un exemplaire moyen dans le but, un jour, de le remplacer par un plus bel exemplaire me jette un beau maroquin...

Patience et persévérance sont des vertus essentielles de tout bon bibliophile et quand elles sont récompensées, c'est un bonheur immense. C'est ainsi par exemple que je me console ainsi de toutes les occasions manquées quand je n'ai pas "eu l'oeil" et que j'ai laissé passer une belle occasion...

Ce n'est pas Bernard qui me contredira, lui qui a mis la bagatelle de 30 années à rassembler l'ouvrage qu'il vous propose de découvrir ce soir, les rapports des Congrès de Physique Solvay... C'est vrai que le sujet est très pointu et que le nombre de concurrents en lice pour les acquérir devait être plus limité que sur une reliure à la fanfare, mais après tout chaque bibliophile a ses domaines de prédilection, et c'est la démarche qui est intéressante ici.

Aussi, je rebondis sur la présentation de Bernard pour interroger vous aussi sur votre patience et votre persévérance. Suis-je le seul à en faire des composantes de ma bibliophilie? Personnellement, chez moi cela se concrétise surtout par l'amélioration d'exemplaires, c'est--à-dire que c'est probablement lié à bibliomanie rampante: j'achète un exemplaire, parce que je ne peux guère m'en empêcher, et je me console/justifie en me disant que la patience m'amènera un jour à croiser un exemplaire meilleur... Vous me direz que c'est contradictoire, la patience devrait m'amener à attendre plutôt qu'à succomber. Et vous aurez raison. Mais, hélas.

Revenons à la quête de Bernard, qui a mis 30 ans à rassembler les "Congrès de Solvay". Pourquoi me direz-vous? Folie de biblio-physicien, j'en ai bien peur! Mais aussi parce que...

La physique a été bouleversée au début du XXème par des découvertes fondamentales : relativité, mécanique quantique, mécanique ondulatoire… La structure intime de l’atome est élucidée. A l’initiative d’Ernest Gaston Solvay (1838-1922), chimiste et industriel, fondateur des Instituts Solvay à Bruxelles, les plus grands physiciens de l’époque se réunirent à Bruxelles entre 1911 et 1934 pour échanger leurs idées. Ces congrès Solvay sont mythiques dans l’histoire de la physique moderne. Y ont participé : Planck, Lorentz, Curie, Einstein, Langevin, Rutherford, De Broglie, Sommerfeld, Bragg, Brillouin, Ehrenfest, Millikan, Perrin, Weiss, Zeeman, Debye, Hall, Bohr, Compton, Dirac, Kramers, Pauli, Wilson, Cotton, Fermi, Heisenberg, Sommerfeld, Joliot, etc. Chaque invité expose ses derniers travaux et cet exposé est suivi d’une discussion avec les participants.

Les sept volumes suivants constituent la série complète des rapports des premiers congrès Solvay ayant eu lieu avant la seconde guerre mondiale. Ils ont été édités par Gauthier-Villars. Ils contiennent la totalité des exposés et des discussions. Cet ensemble exceptionnel est relié uniformément en demi chagrin noir, tête dorée, couvertures conservées. LA THÉORIE DU RAYONNEMENT ET LES QUANTA.
Paris, Gauthier-Villars. 1912. EO.
1 volume in-8 ; (2), 461 pp.

Assis (de g. à dr.) : Walther Nernst, Marcel Brillouin, Ernest Solvay, Hendrik Lorentz, Emil Warburg, Jean Baptiste Perrin, Wilhelm Wien, Marie Curie et Henri Poincaré.
Debout (de g. à dr.) : Robert Goldschmidt, Max Planck, Heinrich Rubens, Arnold Sommerfeld, Frederick Lindemann, Maurice de Broglie, Martin Knudsen, Friedrich Hasenöhrl, Georges Hostelet, Édouard Herzen, James Jeans, Ernest Rutherford, Heike Kamerlingh Onnes, Albert Einstein, et Paul Langevin.
Le Conseil le plus connu fut probablement celui d'octobre 1927 : le cinquième Conseil international Solvay sur le thème Électrons et Photons, où les physiciens les plus influents se rencontrèrent pour discuter de la mécanique quantique. C'est à cette occasion qu'eut lieu le fameux échange entre Albert Einstein et Niels Bohr. Einstein, sceptique à propos du principe d'incertitude d'Heisenberg lui lança : « Dieu ne joue pas aux dés. » Ce à quoi Bohr répondit : « Einstein, arrêtez de dire à Dieu ce qu'il doit faire. » Dix-sept des vingt-neuf participants se virent décerner le Prix Nobel. (Voir Wikipedia).
Merci Bernard et bravo pour cette incroyable persévérance!
H

lundi 1 décembre 2008

Une belle histoire: d'ebay à Christie's en 81 jours, un joli chopin

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Voici une histoire peu commune, qui aurait tout pour être une légende urbaine mais qui est belle et bien réelle: elle débute au mois de septembre dernier par un simple clic, celui que fît le libraire américain Michael Burnley en cliquant sur l'option "achat immédiat" d'un livre vendu sur ebay, par chocolatepickle37, et proposé à 2250$.

Le livre en question était "A Journal of Captain Cook's Last Voyage..." Hartford, 1783, le tout premier livre imprimé aux Etats-Unis sur Hawaii. Un livre évidemment rare, mais cet exemplaire l'est encore plus car il contient la carte très souvent absente intitulée "Chart fhewing the Tracks of the Ships employed in Cap.t Cook's laft Voyage to the Pacific Ocean in the Years 1776, 1777, 1778, 1779".

La description proposée par le vendeur ebay était la suivante (pardon, c'est un peu long):

"A Journal of Captain Cook's Last Voyage To The Pacific Ocean, and In Quest of A North-West Passage, Between Asia & America; Performed in the Years 1776, 1777, 1778 and 1779. Illustrated with a Chart, shewing the tracts of the ships employed in this expedition. Faithfully narrated from the original MS of Mr John Ledyard. 1st edition, published in Hartford, in 1783.

The book is bound in contemporary full sheep, spine with 5 raised bands and morocco title lable, ink scribbling on front free endpaper, and ink inscriptions on rear endpaper and rear pastedown. Previous owners inscription and stamp on title page, folding map has several repaired tears and is frayed at the edges, contents grubby and with occasional minor staining, binding with some markings but in solid condition.

The book has been collated and is complete.

Only 2 other copies have been found for sale worldwide, and priced respectively at £8500 ($15000) and £13000 ($25000). Both these copies are lacking the original map which is present in our copy."

Le vendeur avait presque raison: presque parce qu'en fait l'exemplaire n'était pas complet, il lui manque le feuillet 161-162 et presque raison parce que c'est la carte qui donne toute sa valeur à l'ouvrage et qui fait toute la différence ici. Certes le vendeur a depuis avoué avoir acheté l'ouvrage pour une bouchée de pain dans une petite vente locale, mais comment expliquer la différence entre les environ 20000$ d'un exemplaire complet et les 2250$ de son prix de vente en achat immédiat sur ebay? C'est simple, l'exemplaire de chocolatepickle37, s'il possède sa carte, reste très modeste et son aspect rustique a conduit la vendeuse a le proposer à un prix faible, sans mesurer l'impact de la carte ici présente. En effet, si le livre est rare, la carte, elle est exceptionnellement rare et compense largement le feuillet manquant.

Du reste notre ami libraire ne s'y est pas trompé et une fois l'ouvrage reçu, il l'a immédiatement proposé à Christie's New York qui l'a inséré dans sa vente du 5 décembre sous le numéro 267 (http://www.christies.com/LotFinder/lot_details.aspx?intObjectID=5156256), avec une estimation entre 50000 et 70000$? Cette estimation correspond au prix généralement atteint pour cet ouvrage avec la carte (même si très peu d'exemplaires comparables ont été vendus en salles ces 150 dernières années, Sabin le qualifiant déjà de rareté), et surtout Christie's, comme vous le voyez, propose une description plus longue et plus précise.

A noter que la carte est probablement l'explication du feuillet manquant. En effet, elle est en général insérée juste avant ou après le feuillet 161-162 et dans ce cas précis, bien que paru sous cartonnage, l'ouvrage a été relié à la fin du 18ème. En déplaçant la carte au début de l'exemplaire évoqué ici, le relieur aura peut-être oublié de replacer le feuillet...

Une belle histoire en tout cas, et un délai très court, puisque 81 jours seulement se sont écoulés entre l'acquisition en achat immédiat sur ebay à 2250$ et la vente Christie's du 5 décembre ou l'ouvrage est estimé entre 50000 et 70000$. Et quand je dis belle, je ne dis pas seulement cela pour la marge réalisée (quoique, elle mettra du beurre dans les épinards de cet ami libraire qui a eu du flair), mais aussi parce qu'elle montre que des livres rares peuvent encore se trouver, soit dans des petites ventes locales, soit, même, sur ebay. Ce qui rend résolument optimiste!

H

Question

Amis Bibliophiles Bonjour,

Après vérification sur un autre écran, je découvre que les vignettes "expositions de reliures" se trouvent parfois dans la colonne de gauche, tout en bas, au lieu d'être à droite...

Qu'en est-il chez vous? Merci
Hugues

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